[2003]
Histoire d'une petite commune du Cap-Sizin de 1970 à aujourd'hui
C’était au début des années 70.
En ce temps là l’environnement laissait encore indifférent. Il suffisait de se promener dans la campagne pour avoir une idée du nombre de décharges " sauvages ".
C’est alors qu’une ville moyenne du fond de la baie se mit à la recherche d’un site rural pour y installer une usine pour brûler les déchets ménagers, une usine d’incinération qui commençait à être à la mode à cette époque.
Elle jeta son dévolu sur une petite commune du CAP SIZUN à une dizaine de kilomètres et qu’il fut d’ailleurs très facile de convaincre d’accepter l’opération. Il suffirait de dire qu’il s’agirait d’un terrain privé et d’une transaction de gré à gré…
Le terrain choisi est situé dans une vallée verdoyante où coule un ruisseau poissonneux et fréquenté par de nombreux pêcheurs à la ligne.
Par chance les habitations sont relativement rares alentour: quelques maisons dans un périmètre de 200 mètres.
Une enquête rapide rondement menée ne recevra guère d’observations, car il n’est pas dans les habitudes ici de s’intéresser aux affaires publiques. Personne en dehors des élus (et encore!) ne s’autorise à faire ouvertement des remarques comme le confirmeront par la suite les régularisations d’installations classées (entendez porcheries) qui avaient pris leurs aises avec la législation.
Le préfet publiera un arrêté d’autorisation en 1973 spécifiant les obligations réglementaires, mais les responsables et les gestionnaires n’en auront cure et tout le monde fermera les yeux…
Pendant près de trente ans, la pollution par les fumées, les imbrûlés, les mâchefers, les poussières, le bruit…sera manifeste en dépit des protestations des riverains incommodés.
Certes après les vingt premières années de laxisme, les problèmes commençaient à surgir et la législation évoluait obligeant à coups de mises en demeures préfectorales les responsables à quelques aménagements ou transformations. C’est ainsi que les poussières ont été en partie recueillies dans des " big bags " en 1992, des filtres à manche installés en 1996 et un traitement des fumées en 2002!
Notons pour l’anecdote que la petite commune, longtemps tenue à l’écart du syndicat intercommunal (elle y adhère en 1999...) bénéficiait du privilège de la gratuité de l’incinération à condition d’organiser son ramassage.
En 2000, à la faveur de la création d’une CLIS (commission locale d’information et de surveillance), instance dont la création intervient opportunément au moment où un vaste projet de développement de l’usine est envisagé (doublement de la capacité de traitement), donc, à cette occasion, les riverains représentés dans cette CLIS, découvrent ébahis que si des transformations ont bien été réalisées, il reste que les obligations réglementaires de l’arrêté de 1973 n’ont pour une bonne part jamais été appliquées…
C’est le début d’une vive bataille de citoyens regroupés dans une toute nouvelle association " de sauvegarde de la vallée du Lochrist " qui prendra l’affaire à bras le corps en secouant le Landerneau local au grand dam de tous ceux qui voulaient continuer leur routine d’arrière cuisine.
Une première victoire à l’actif de l’association est l’abandon du projet de plate forme de maturation de mâchefers, approuvée pourtant par le commissaire enquêteur en dépit d’un argumentaire charpenté, et n’attendant que le visa du préfet convaincu du bien fondé de l’opération…
Une seconde victoire (peut-être provisoire) a été obtenue grâce à l’aide d’une seconde association (Ouest-Cornouaille Environnement, OCE) , en obligeant le syndicat intercommunal à une remise à plat du dossier de nouvelle usine.
La morale de cette histoire, car il y en a une, c’est qu’il appartient aux citoyens de se mêler de ce qui les concerne et que les dossiers (même les ordures) sont des affaires trop sérieuses pour qu’elles restent du seul ressort des spécialistes ou même des élus.
Au bout du compte l’avenir dira si la leçon de démocratie locale sera retenue… |