A Calais, biodéchets et graisses vont produire compost et électricité
Article paru dans le Monde du 9 décembre 2006
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De loin, on croit apercevoir une vaste ferme flamande, équipée d'un silo. L'A16 est toute proche. Le temps de contourner une gigantesque station-service qui abreuve les camions surgis du tunnel sous la Manche, et l'on découvre de belles lignes architecturales, un chaleureux bardage de bois. Bienvenue à Calais, dans l'usine de méthanisation des biodéchets qui doit être inaugurée vendredi 8 décembre.

Construit aux normes HQE (haute qualité environnementale), le Centre de valorisation organique des déchets du Calaisis a coûté 20 millions d'euros. A côté de la station d'épuration, du centre de tri et de la déchetterie, il constitue une plate-forme unique en France.

Ce site est le premier à traiter simultanément les biodéchets et les graisses alimentaires des habitants, soit 25 % des ordures ménagères. Papiers et cartons, trop coûteux à recycler à part, y seront intégrés. "Ni bruit, ni liquide, ni odeur : pas d'inquiétude pour le voisinage", assurent ses concepteurs.

Le digesteur cylindrique vertical en béton a de quoi impressionner. Les déchets y fermentent trois semaines, sont homogénéisés et mélangés par l'injection de biogaz, ce qui évite l'utilisation de pièces mécaniques qui seraient vite abrasées. Détruits par trois vagues de bactéries, les germes pathogènes se métamorphosent en compost.

Après deux mois de rodage, l'usine prendra son rythme de croisière en février 2007. Absorbant 27ooo tonnes de biodéchets et 1ooo tonnes de graisses et huiles chaque année, elle les réduira à 11 200 tonnes de compost, au profit des agriculteurs de la région. Cela tombe bien : le Nord-Pas-de-Calais possédant peu d'élevage, il souffre d'un déficit de matières organiques pour les sols.

De plus, la décomposition dégagera du méthane (CH4), ce gaz encore plus néfaste que le gaz carbonique (CO2) en matière d'effet de serre qui s'échappe durant vingt ans des décharges. Il sera brûlé dans une centrale de combustion qui produira à terme 18 930 MWh par an, dont 4 900 pour l'eau chaude destinée au séchage du compost et 3ooo nécessaires au chauffage du digesteur à 55° C ; 6 500 MWh/an seront revendus à EDF, soit la consommation de 14ooo foyers. La décision de l'Etat, cet été, d'augmenter de 50 % le prix d'achat par EDF de l'électricité produite par ces filières constitue un joli coup de pouce.

Il existe d'autres sites construits en France par Valorga International, une filiale de la société Urbaser (elle-même filiale de l'Espagnol ACS) spécialisée dans le traitement biologique des déchets : Valorga Picardie, à Amiens, fut l'installation pionnière, en 1988. Mais elle ne traite que des déchets bruts.

L'usine de Varennes-Jarcy, dans l'Essonne, mise en service en 2002, a connu des ratés. Elle gère à la fois déchets ménagers bruts et déchets fermentescibles. Une expérience est en cours en Martinique, mais le tri des déchets par les habitants n'y est pas encore optimisé.

Dès 1995, Calais a compris que son projet devait concerner une large population. D'où la création, en 2000, du SEVADEC (Syndicat d'élimination et valorisation des déchets du Calaisis), qui réunit 59 communes et 160 ooo habitants. Voilà désormais cette population dotée d'un gigantesque estomac commun.

Geoffroy Deffrennes
Article paru dans l'édition du 09.12.06