Goyen Environnement

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Traitement des déchets : analyse
[mai 2006]

Selon Ouest-France de début avril 2006 : "plus d'un français sur deux, affirme agir systématiquement pour la préservation de l'environnement : en triant ou en recyclant les déchets (68%)..."

La politique suivie dans le département sur la question des déchets ne va pas dans ce sens-là. Les retards pris par rapport aux déclarations d'intention à la législation française et aux directives européennes, nous mettent aujourd'hui dans l'urgence.
Mais l'urgence c’est aussi un climat développé et entretenu de pressions exercées par les entreprises en raison des charges que constituent pour elles le transfert et le stockage des déchets industriels banals à Laval.

La politique que s'apprête à mettre en place le Conseil Général se résume donc ainsi :
- Maintien de l'incinération pour 10 ans au moins
- Création de décharges géantes (CSDU classe2)
- Faible recyclage des déchets (22, 23 %) en contradiction avec la directive européenne de 2004 qui fixe des objectifs de recyclage beaucoup plus importants pour 2008, qui sont de 55% en poids des emballages, 60% pour le verre, 60% pour le papier et le carton, 50% pour les métaux etc…

Il va de soi que tout cela satisfait particulièrement les groupes de pression industriels de l'incinération et ceux de l'enfouissement, lesquels sont en situation de quasi monopole, bénéficiant d'un marché juteux et menant leur activité presqu’en état d'auto-contrôle, qu'il s'agisse de centres d'enfouissement publics ou privés.
La mise en place de ces dépotoirs géants, malgré l'urgence, nécessitera un certain délai :
- choix du site, enquête d'utilité publique, achat des terrains et/ou procédure d'expropriation, étude géologique du terrain.
- aménagement du site pour le stockage

Malgré l'urgence il faudra donc encore bien du temps et bien des transports à Laval !! Ce qui montre qu'il est surtout urgent d'attendre et de réfléchir. Nous refusons cette politique qui sacrifie des populations, des terres agricoles, des paysages et des rivières, les ressources que sont l’eau et l'air que nous respirons, sur l'autel du profit maximum.

En 2002, la masse annuelle des déchets ménagers est de 30 millions de tonnes répartis comme suit :
- matière organique =25%
- papier/carton =29% (plus de la moitié en pub ou sur-emballage)
- verres =12% ; métaux =6% …

Cette masse annuelle d’ «ordures» est en fait plutôt à considérer comme une source de produits primaires valorisables, au moment où nos sociétés vont se trouver face à diverses pénuries (pétrole et gaz chers, problèmes sur la qualité de l’eau…). N’oublions pas que si notre mode de vie européen devait être étendu à la population mondiale, c’est 4 planètes Terre qu’il nous faudrait !!!

Nous proposons la mise en place d'une autre politique des déchets, avec 3 axes indissociables:
1/ Arrêt de l’incinération
2/ Impulsion forte donnée à la valorisation.
3/ Arrêt de la politique des décharges géantes

Pour reprendre ces 3 points:

>> ARRET DE L’INCINERATION :

Parce qu’elle est en elle-même un frein au recyclage : en effet, pour brûler, l’ incinérateur a besoin de combustibles, qui ne sont autres que papier-carton et plastiques. Et à cause des émissions de particules toxiques et dangereuses (dioxines, métaux lourds…). On nous dit maintenant que la situation est bonne puisqu’il y a eu remise aux normes…sauf qu’aux Etats-Unis, par exemple, les normes sont 100 fois inférieures aux nôtres… !
Et tout cela sans compter l’effet de serre, auquel participe l’incinération, et son résultat sur les changements climatiques.

>> L’IMPULSION donnée à la VALORISATION c’est :

d’abord la réduction à la source, surtout pour les emballages et sur-emballages, et cela par une incitation à d’autres politiques industrielles, pour des emballages recyclables, non-polluants et bio-dégradables.

Intensifier le tri sélectif, c’est pénible, c’est contraignant…pour chacun d’entre nous, mais c’est une étape indispensable, et il faut regarder ailleurs, en France ou à l’étranger pour constater que cela marche. Par exemple en Alsace où cette communauté de communes a opté pour une collecte sélective, à chaque porte mais par type de produits, tout en maintenant les apports volontaires (verres, huiles, etc…). En ajoutant une séparation des types de plastique (les creux et les plats), un compostage individuel, une poubelle « à 4 compartiments », une pesée embarquée (poubelle à puce), et une redevance proportionnée (« plus je trie, moins je paie »), les chiffres montrent là qu’il est possible de tripler la quantité de recyclage, ce qui diminue d’autant la part des déchets ultimes.

La méthanisation liée au compostage est aussi une filière d’avenir, à condition qu’il ne s’agisse pas d’un énorme CSDU déguisé, mais plutôt comme celle faite à Freibourg, en Allemagne, fournissant 17 000m3 de gaz par jour, 6 mégawatts. En France, sur les 7 millions de tonnes de déchets verts produits, moins de 1% sont méthanisés (2 usines en France, 6 en Espagne, 8 en Italie, 12 en Suisse, 53 en Allemagne).

Et le 3ème point :

>> STOP aux énormes CSDU et pour cela :

Tendons vers le « zéro déchet », mais pour la fraction réellement ultime( en l’état actuel des choses 20% de nos ordures ne peuvent être traitées que par l’enfouissement, ce qui correspond aux directives européennes), il faut envisager des CSDU de petite taille (1 ha environ), à l’échelon cantonal, qui permettent une gestion et un contrôle plus efficaces.

Ces CSDU seraient couverts lors du remplissage des alvéoles. Sans fermentiscibles ni machefers, pas d’écoulements de lixiviats, ces « jus » hautement toxiques, que provoque le ruissellement des eaux de pluie sur les déchets nouvellement déposés. Après remplissage, chaque alvéole serait rendue étanche.

Pour conclure, citons quelques exemples :
- à Poitiers, un supermarché met à disposition des « bennes de déballage »
- Haut-Rhin : les machefers (ou résidus d’incinération) sont interdits comme macadam ou remblais de routes
- en Belgique et en Allemagne, les verres sont consignés
- en Californie, c’est une ville de 90 000 habitants (Santa Monica), qui parvient à recycler 80% de ses déchets.
- au Canada, Edmonton (636 000 habitants) obtient une valorisation matière de 70% de ses produits résiduels ménagers sans recours à l’incinération

Canadiens, australiens, suisses, autrichiens, hollandais, irlandais, scandinaves, allemands et japonais s’orientent vers des amenuisements significatifs, basés sur la réduction à la source et la valorisation matière par recyclage. Mais en France ça ne serait pas possible ?

Est-ce alors que des intérêts privés n’empêchent pas toute avancée et la mise en place d’une politique innovante ? Va-t-on continuer encore longtemps, nous, consommateurs, à payer plusieurs fois : payer pour acheter des produits et payer pour leur emballage, puis payer pour éliminer ces emballages, payer pour éliminer ces produits ou leurs restes inutilisés, et encore payer de sa santé par les conséquences des traitements de ces déchets (dioxines et polluants organiques persistants ou POP) ? La boucle est bouclée et on y trouve surtout un grand perdant : NOUS TOUS.

On le voit, le problème de l’élimination des déchets dépasse de loin un échelon local ou départemental : les déchets sont notre affaire, à tous, c’est une question d’intérêt public qui mériterait qu’au plan national, une structure guide soit mise en place.

Et puis rappelons-nous que « la Terre ne nous appartient pas, nous l’avons empruntée à nos enfants… »