Enquête publique concernant le projet d'usine de prétraitement mécanique et biologique à Gaël : dossier Environnement 56
23 juin 2006
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Environnement 56
Association de protection de l’environnement agréée, de type loi de 1901
BP 43
56860 SÉNÉ
Tél. : 06 89 25 38 21
Séné, le 23 juin 2006

A Mme Danielle FAYSSE,
Commissaire-enquêtrice

Mairie de GAËL

Objet : Enquête publique relative à la reconversion de l’usine de broyage-compostage en une usine de prétraitement mécanique et biologique des ordures ménagères avec production de compost à GAËL, Point Clos (18 mai - 26 juin 2006).

Madame,


Environnement 56, association agréée pour la protection de l’environnement, entend formuler un certain nombre d’observations, en complément des remarques elliptiques inscrites dans le Registre en mairie de GAËL le 15 juin.

Environnement 56 entend également formuler des contre-propositions destinées à améliorer ce projet qui pèche sur de nombreuses dispositions.

I. Présentation sommaire de notre association et de son action dans le domaine de la gestion des déchets.

Environnement 56 est une association constituée en 1987. Elle était initialement dénommée «Urbanisme ou Environnement ?». Elle a été agréée pour la protection de l’environnement par des arrêtés préfectoraux en date du 20 novembre 1990. Les associations agréées sous l’ancien régime de l’article 40 de la loi du 10 juillet 1976 et de l’article L.160-1 du Code de l’urbanisme sont agréées de plein droit au titre de l’article L.141-1 du Code de l’environnement. Elle est affiliée à France Nature Environnement.

Comme l’indique l’article 2-1° alinéa 4 de ses statuts, Environnement 56 se donne pour mission d'«agir pour la mise en place de politiques opérationnelles en matière de déchets, d’eau et d’air ainsi que, plus généralement, pour une gestion et une utilisation rationnelles des ressources naturelles».

À ce titre, Environnement 56 s’est fortement investie, en particulier depuis l’année 2000, dans la problématique des déchets en Morbihan.

Enquêtes publiques :

Les dossiers suivants ont été suivis et ont donné lieu à des observations :

- Création d’un centre de tri-transfert de déchets sur la commune de VANNES, entreprise THEAUD (17 juin 2002-17 juillet 2002).

- Révision du Plan départemental d’ILLE et VILAINE (décembre 2002). Comme le précise le Rapport de la commission d’ enquête, «seule l’association morbihannaise Environnement 56 a déposé une longue déclaration».

- Création par le SYSEM d’une station de transit de déchets ménagers et assimilés sur la commune de LIMERZEL (23 juin - 23 juillet 2003).

- Création par la Communauté d’agglomération du pays de Lorient d’une unité de valorisation des biodéchets et de stabilisation des déchet ménagers résiduels sur la commune de CAUDAN (21 septembre - 22 octobre 2003).

- Extension de la capacité de production d’un établissement spécialisé dans la production de produits chimiques iodés de synthèse, groupe GUERBET, ZI de Kerpont, Lanester (traitement biologique et incinération de déchets industriels spéciaux). (17 octobre -18 novembre 2005).

Nos analyses et propositions, précises, circonstanciées et souvent longuement développées, ont permis à chaque fois de mettre en évidence des points importants ou sensibles, conduisant le commissaire-enquêteur à demander au pétitionnaire de préciser ou d’amender son projet initial.

Création et animation de collectifs hostiles à l’incinération des déchets ménagers

L’association milite pour une gestion « durable » des déchets. Elle considère à ce titre que l’incinération des déchets ménagers n’a aucune pertinence sur le territoire concerné (tonnages impliqués, absence de réseaux de chaleur, dangerosité de la technique, incompatibilité entre cette technique et les exigences de transparence démocratique d’une part, de réduction des déchets de l’autre). Notre association est ainsi à l’origine de la création et de l’animation de deux importants collectifs.

- 2002- 2033 : Le premier, le NISEM («Non à l’incinération dans le SUD-EST du Morbihan») a obtenu en 2002-2003 l’annulation d’un important projet d’incinérateur sur le Pays de VANNES. Grâce à un travail technique et un travail de sensibilisation de la population, Environnement 56, avec les associations partenaires, a fortement contribué à intéresser les citoyens à la question des déchets (série de réunions publiques très suivies, débats dans la presse, manifestation de 3000 à Vannes en mars 2003).

- 2003-2006 : Création d’un collectif de 25 associations («Stop Incinérateur PLOUHARNEL») en vue d’obtenir la fermeture de l’usine d’incinération de PLOUHARNEL (presqu’île de QUIBERON). Parmi les plus polluantes de France (de 1971 à 2000), relancée au prix d’une mise en conformité elle-même à l’origine de nouveaux problèmes techniques (pannes à répétition, corrosion importante des nouveaux équipements), générateurs de nouvelles pollutions, cette installation d’un autre âge (1971) fait l’objet d’un acharnement thérapeutique de la part du Syndicat mixte de la Région Auray-Belz-Quiberon, en dépit du bon sens, mais aussi aux dépens des finances publiques, de l’environnement et de la santé publique. Environnement 56 a obtenu depuis le 28 décembre 2005 la suspension (provisoire ?) de l’activité de l’usine, notamment du fait du défaut d’étude d’impact et d’étude dangers.

Recours contentieux

Pénal :
- Incinérateur de NIVILLAC : plaintes avec constitution de partie civile (violation de la législation sur les installations classées; homicide involontaire et mise en danger de la vie d’autrui);
- Décharge sauvage du SCLEGEN et exploitation sans autorisation d’une station de transit des déchets issus de la collecte sélective sur le site de l’incinérateur de PLOUHARNEL (plainte simple auprès du Procureur de Lorient, janvier 2006)

Tribunal administratif :
- Deux recours contentieux à l’encontre de l’incinérateur de PLOUHARNEL.
- Trois recours contentieux à l’encontre du Conseil général pour refus d’intégrer Environnement 56 dans la commission d’élaboration et de suivi du Plan départemental des déchets du Morbihan.

Participation :
- Environnement 56 est membre du comité de pilotage mis en place par le SYSEM (Syndicat de traitement des déchets du Sud-Est du Morbihan, près de 70 communes concernées, dont VANNES) en vue de la création d’un Centre d’enfouissement.
- La compétence d’Environnement 56 en matière de déchets a été reconnue au niveau national par l’intégration de son secrétaire général, M. NOULIN, au sein du Directoire Déchets de France Nature Environnement (une dizaine de membres). Environnement 56 participe ainsi activement à la rédaction de la Lettre Déchets de France Nature Environnement, aux colloques et débats nationaux.

A cela, il faudrait ajouter de nombreux échanges de courriers avec la Préfecture ou diverses collectivités, dans le cadre des différents dossiers concernant les déchets de toute nature, en cours dans le Morbihan (réhabilitation d’anciennes décharges, schéma départemental des BPT, etc).

L’association dispose ainsi d’une bonne connaissance du sujet ainsi que des pratiques et enjeux du territoire.

II. Légitimité de l’intervention d’Environnement 56 sur ce dossier.

Le territoire de compétence de l’association est le département du MORBIHAN. Si le site concerné est en Ille et Vilaine, il est à la frontière du Morbihan (en limite de la commune de CONCORET) et concerne les déchets de 20 communes du MORBIHAN.

Il a à cet égard une incidence directe sur les réflexions en cours dans le cadre de la révision du Plan départemental des déchets (PDEDMA), mais aussi sur l’organisation de la gestion des déchets du secteur concerné (collecte, financement, organisation territoriale du Morbihan).

2. Des carences étonnantes : Première approche
2.1. Préambule

La finalité d’une enquête publique est de permettre au public de s’approprier un projet, de pouvoir en apprécier la légitimité et l’impact (environnement, santé publique, nuisances, emplois, …).

Le dossier présenté est loin de satisfaire à ces exigences, tant les carences en sont nombreuses. Sur un projet aussi important, Environnement 56 trouve bien cavalière la démarche du SMICTOM qui paraît tenir l’étape de l’enquête publique comme une formalité par laquelle il faut bien passer, mais dont il se serait bien passé.

Il n’existe aucun effort pédagogique pour permettre au public une bonne intelligence du dossier et de ses enjeux et les formules tenant de la «méthode Coué» sont récurrentes là où des démonstrations argumentées et chiffrées seraient nécessaires.

Cela est d’autant plus regrettable que le déficit des capacités de traitement en Bretagne comme dans bien des régions de France se solde par des «solutions» coûteuses et polluantes (transports et enfouissement ou incinération de déchets non ultimes dans des sites éloignés) données pour provisoires, mais en réalité durables, aux dépens d’une gestion… «durable» des déchets.

L’acronyme «NIMBY», si populaire depuis quelques années, sert d’explication passe-partout pour des élus en échec qui, plutôt que de reconnaître l’insuffisance de leur dossier et de leur démarche, incriminent ces «mauvais citoyens» qui seraient «contre tout» et ne penseraient égoïstement qu’à leur petit confort au grand dam de l’intérêt public.

En réalité, si le déficit de la capacité de traitement est bien la conséquence du blocage de nombreux projets, ces derniers, dans bien des cas, s’avèrent mal ficelés, portés par des bureaux d’études et des industriels aux intérêts convergents et quelques élus tendant à «confisquer» les dossiers. Bref, le déficit de démocratie (absence de concertation sincère, absence de débat sur la politique de déchets à mener, enquête publique méprisée,...) est la cause principale de l’échec de la gestion des déchets.

Environnement 56 apporte régulièrement son soutien à des projets d’équipement. Elle a par exemple récemment soutenu le projet de la Communauté d’agglomération du Pays de LORIENT en vue de la réalisation d’un centre de tri-compostage avec stabilisation, sur la base d’une collecte sélective des biodéchets.

Notre association est consternée de voir tant de projets échouer (ou passer en force), tout en considérant que ces échecs sont inéluctables tant la démarche des collectivités est dans la plupart des cas critiquable.

Ainsi bien que plaidant pour une gestion de proximité, Environnement 56 ne peut soutenir le projet présenté ici pour les raisons qui suivent.

2.2. Un projet en trompe-l’oeil

1. Le projet affiche trois atouts :
- il concerne un territoire de taille raisonnable (90 000 hab, 65 communes) et on peut penser qu’il relève d’une démarche de bassin de vie.
- il prétend assurer l’autonomie du territoire concerné (de la production des déchets à la phase ultime de leur traitement), permettant ainsi de limiter l’impact transport et les coûts.
- La modernisation des installations permettrait une meilleure valorisation.

2. La lecture précise du dossier conduit à découvrir un projet tout différent :
- Un projet surdimensionné : l’usine est programmée pour accueillir 30 000 tonnes de déchets pour une production (à la baisse) de déchets ménagers et assimilés (DMA) de 17 000 tonnes.
- Le projet prévoit de traiter des DIB, des DAA (déchets de l’industrie agroalimentaires), mais aussi des déchets de collectivités ou EPCI voisins (le SYSEM en Morbihan est un EPCI voisin ; il concerne 70 communes, soit une bonne moitié du Morbihan).
- Il ne se donne pas les moyens de produire un compost de qualité et l’ambition de valorisation affichée a toutes les chances d’être vouée à l’échec.
- Il repose sur une série de postulats en réalité sujets à caution : le centre d’enfouissement voisin sera nécessairement autorisé ; la qualité du compost sera nécessairement bonne ; son écoulement ne posera aucun problème ; etc.
- L’étude d’impact est insuffisante, notamment en ce qu’elle ne tient pas compte des autres installations classées présentes (déchetterie, plate-forme de compostage) ou envisagées (centre d’enfouissement) sur le site.
- L’autonomie proclamée est un leurre puisque le surdimensionnement atteste que l’outil a d’autres ambitions que de traiter les déchets ménagers et assimilés du secteur ; qu’il est par ailleurs question d’accueillir des déchets d’autres secteurs, d’échanger des déchets avec des syndicats voisins et d’exporter les refus de compostage légers (plastiques) pour les faire incinérer ailleurs (Rennes, Vitré ?) – ce qui nous ramène à un scénario que les associations connaissent bien puisque dans de nombreux départements, en particulier dans le Morbihan, les bureaux d’études (dont GIRUS que l’on retrouve sans surprise dans ce dossier) promeuvent le même couple «prétraitement mécano-biologique + incinération.»
- Les aspects financiers sont inexistants dans le dossier
- Se placer dans la perspective 2030 n’est vraiment pas sérieux puisque la durée de vie de ce type d’installation est de 15 ans au mieux.
- Etc.

Ce projet n’est donc pas ce qu’il prétend être et le dossier présenté à cette enquête publique n’apporte pas les éléments nécessaires attestant de sa solidité, de sa régularité et de sa pertinence en regard des exigences du développement durable, de l’environnement et de la santé publique. Il n’apporte pas davantage l’information à laquelle le public a droit.

3. Un projet surdimensionné

1. Le projet concerne une unité de prétraitement mécano-biologique (UPMB dans la suite de nos observations) d’une capacité de 30 000 tonnes/an, une unité de mise en balles des déchets d’une capacité de 18 000 tonnes/an, une station de transit de la collecte sélective du verre d’une capacité de 6000 tonnes/an.

2. La quantité des ordures ménagères collectées sur le territoire du SMICTOM est de 17 437 t en 2003 (Lettre de demande, p. 19). La tendance est à la baisse depuis au moins 2001 (18 939 t).

3. Cette tendance à la baisse ne pourrait que se renforcer si le SMICTOM se conformait aux orientations du Plan départemental d’Ille et Vilaine et aux orientations définies par le Ministère de l’environnement (objectif national de stabilisation pour 2008).

La nécessité de renforcer la réduction des déchets à la source a été l’un des arguments principaux pour réviser le Plan départemental en 2002.

«Pour le département, il est fixé un objectif de stabilisation des flux quantitatifs actuels de déchets ménagers et de déchets industriels banals sous l’effet de la politique de prévention…» Notice explicative du Plan révisé soumis à enquête publique : p. 2

Le Plan départemental insiste par exemple sur l’opportunité d’une facturation au service rendu, levier particulièrement incitatif en vue d’une réduction des tonnages.

Il est remarquable que le dossier ne fait pas état des projets du SMICTOM pour réduire la quantité de déchets à la source ou renforcer les collectes sélectives ; qu’il n’indique pas non plus les réductions de tonnage susceptibles d’être obtenues par de tels projets ; qu’on est dès lors en droit de douter de l’existence de telles ambitions de la part du syndicat.

4. S’agissant d’un territoire rural, la croissance démographique restera modeste.

5. Comment le SMICTOM peut-il justifier d’un dimensionnement de 30 000 tonnes alors qu’une usine de 15 000 tonnes suffirait ?

Le titre 4 du Présentation sommaire du projet (p.12-13) est consacré au «dimensionnement des unités fonctionnelles» (sic !). Mais au lieu de justifier ce dimensionnement, il le postule et parle d’autre chose.

Nous n’avons trouvé nulle part dans le dossier une justification du dimensionnement de l’UPMB et de la presse à balles.

6. La perspective de 2030 est régulièrement mentionnée comme élément de justification implicite du dimensionnement retenu.

Résumé non technique de l’étude d’impact, p. 17 : «La capacité de traitement retenue, à hauteur de 30 000 t/an, permettra de faire face à la production de déchets par la population du SMICTOM jusqu’en 2030.»

Environnement 56 suit depuis 2 ans le projet d’UPMB du SYSEM (Syndicat Intercommunal du Sud-Est du Morbihan, 70 communes, dont VANNES), dossier confié au cabinet GIRUS (à l’origine également du projet du SMICTOM – Lettre de demande d’autorisation, p. 4).

Dans son rapport du 20 janvier 2006 «UPMB et centre de tri, scenarios et dimensionnement», Girus table sur les durées suivantes : 15 ans pour les équipements, 7 ans pour le matériel roulant. (DJ 2)

Par ailleurs, tous les chiffres proposés par l’étude du SYSEM se projettent à l’horizon 2015, et non 2030.

La durée d’amortissement des équipements concernés étant de 15 ans, la projection à 2030 n’est pas pertinente.

7. La capacité de 30 000 tonnes signifie donc que pour moitié environ l’UPMB traiterait des déchets non ménagers (DIB et DAA) ou des déchets ménagers de collectivités extérieurs (Voir Lettre de demande, p. 20 : acceptation de déchets d’autres territoires + système d’ «échanges de déchets» avec un syndicat voisin.)

Le SMICTOM n’a pas pour vocation de mettre en place des outils pour les industriels ou pour les collectivités extérieures. Les taxes ou redevances perçues des administrés ne doivent servir qu’à financer le service public du secteur concerné.

Du reste, le financement d’un outil surdimensionné constitue un risque majeur pour la collectivité : l’alimentation en déchets par les industriels (lesquels ?) est nécessairement aléatoire (effet concurrence), tout comme celle émanant des collectivités voisines dont ni l’identité, ni les besoins potentiels ne sont nulle part précisés.

Un outil surdimensionné est enfin incompatible avec des efforts d’intensification de la collecte sélective et une politique de réduction des tonnages.

4. Une qualité de compost plus que compromise

4.1. Grave déficit d’information. Pétition de principe sur la qualité du compost.

1. Le Syndicat nous demande de le croire sur parole. Le compost ne pourra qu’être de bonne ou très bonne qualité.

«Dès lors que certaines conditions (efforts de tri des Déchets Ménagers Spéciaux (DMS) en amont de la collecte des OM permettant de limiter notamment les teneurs en métaux lourds dans l’entrant) seront remplies, les installations doivent être en mesure de produire un compost répondant aux contraintes du projet de révision de la norme NF U 44 051 et à celles du cahier des charges CERAFEL.»

De même, son écoulement ne posera aucun problème

«Le compost constitue un amendement hygiénisé de qualité que le SMICTOM pourra facilement valoriser auprès des agriculteurs.» Résumé non technique de l’étude d’impact , p. 10

«Le compost est écoulé sans aucun problème par le SMICTOM, garantissant l’évacuation du compost prochainement produit, dont la qualité sera améliorée.» id., p. 17

Enfin, le procédé pourrait être choisi en toute confiance :

«Ce procédé bénéficie d’un retour d’expérience très favorable puisqu’il est déjà bien implanté en France». id, p. 17.

2. Au nom de ces affirmations péremptoires, le dossier se dispense de fournir la moindre analyse, le moindre document, le moindre chiffre sur la réglementation en vigueur, les normes applicable, la qualité du compost obtenue jusqu’ici et attendue de la reconversion de l’usine, les moyens à mettre en œuvre pour obtenir de bons résultats, la ou les filières d’écoulement du compost, le nombre et la localisation des agriculteurs éventuellement concernés, les possibilités d’une valorisation non agricole du compost, les solutions possibles dans le cas où le compost (ou certains lots de ce compost) se révèleraient de mauvaise qualité.

Le bilan de la production de compost (quantité et qualité) des 10 dernières années n’est pas fourni. Il est affirmé que le compost est actuellement «repris par les agriculteurs du secteur» (p.4), mais aussi que l’usine doit être restructurée puisqu’elle ne peut plus produire un compost de qualité. On n’hésiterait donc pas à fournir un compost de mauvaise qualité aux agriculteurs !

Ce que semble confirmer le dossier du Plan départemental révisé soumis à enquête publique en décembre 2002 :

«Le produit est évacué auprès de 4 ou 5 agriculteurs locaux pour le site de GAËL… Pour ces installations (GAËL et SAINT-MALO), il est à noter l’absence de suivi régulier tant de la quantité du produit que du bilan matière» p. 45. (DJ 3)

Rien dans le dossier d’aujourd’hui ne permet de penser que ces pratiques laxistes vont cesser.

Le secteur agricole concerné est classé en ZES. Doit-on l’exposer en plus au risque que constitue l’épandage d’un mauvais compost ?

Il était indispensable de fournir :

- un tableau exposant 1/ les valeurs limites exigées par la réglementation (ancienne et nouvelle norme NF U 44 051 ; norme européenne ; norme CERAFEL) ; 2/ les performances de l’ancienne usine ; 3/ les performances atteintes par le type d’installation envisagée (par exemple, celle de Launay-Lantic en Côtes d’Armor, mais en rappelant que l’usine de Launay-Lantic est un cas spécifique et unique en France – voir plus bas).

- un tableau-bilan prospectif des performances et ratios escomptés : matières brutes, matières sèches, matières organiques non synthétiques, taux de refus, pourcentage de perte en gaz, taux d’indésirables (verre, métaux, plastiques durs, films plastiques), des éléments traces métalliques…

Le SMICTOM se contente de postuler que ça sera forcément bien puisque ça sera mieux qu’avant. Eviter le pire, ce n’est pas faire le bien, ni bien faire…

4.2. Le compostage sur OM brutes : un procédé discutable.

1. Le SMICTOM justifie ainsi le choix du procédé : «Ce procédé bénéficie d’un retour d’expérience très favorable puisqu’il est déjà bien implanté en France». id, p. 17.

Rien n’est plus faux. Le procédé est au contraire condamné par l’ADEME qui estime qu’un compost valorisable en agriculture peut difficilement être obtenu à partir d’un tel procédé. D’où sa réticence à aider au financement de tels projets.

Comme le rappelle notre article «Le compostage sur Ordures brutes : nouveau contexte, nouveaux enjeux» (in Lettre Déchets de France Nature Environnement, N° 14, mai-juin 2005), la filière était jusqu’à peu en chute libre. (DJ 1)

Le renouveau de la filière est très récent, tout relatif et sujet à caution. Il s’explique 1/ par l’échec de nombreuses collectivités qui avaient fait le choix de l’incinération ; 2/par l’intérêt suscité par la rénovation de l’usine de Launay-Lantic, «hypermédiatisée» dans le monde français des déchets.

Ce procédé ne bénéficie donc ni d’un bon retour d’expérience, ni d’une bonne implantation en France. Tout laisse à penser au contraire que la montée en puissance de ce procédé mettra de nombreuses collectivités en difficulté.

Les bureaux d’étude (tel Girus) ont tout intérêt à orienter les collectivités vers ce procédé. Loin de se substituer à l’incinération, ce procédé en constitue une tête de pont. Il permet d’isoler les déchets à haut PCI («les refus de tri légers»), lesquels servent à justifier au nom d’une prétendue valorisation énergétique (en réalité illusoire et économiquement non pertinente, faute de réseau de chaleur) le renforcement de l’incinération. Sur le Sysem du Morbihan, le projet d’UPBM cautionne ouvertement le doublement du four de l’incinérateur de PONTIVY vers lequel tendent les travaux de révision du PDEDMA. Dans le présent dossier, la Note complémentaire (p.6) propose un scénario identique, dévoilant ainsi le dessous des cartes.

Par ailleurs, le mauvais compost issu de telle installation (voir plus bas) risque d’être voué lui-même à l’incinération (plus qu’à l’enfouissement du fait de la Directive européenne de 1999 imposant de fortes restrictions sur l’enfouissement de matières fermentescibles).

Ainsi, au lieu de financer un outil, les collectivités doivent en financer deux (UPMB + incinérateur). Les bureaux d’études payés au pourcentage ont donc intérêt à pousser à ces solutions.

Il est remarquable que l’usine est présentée comme une unité de «PRETRAITEMENT». Un aveu qui signifie que le problème du traitement, à proprement parler, en particulier celui du mauvais compost, nouveau déchet, reste entier.

Le SMICTOM ne peut donc en aucun cas s’autoriser d’un bon retour d’expériences pour ce procédé.

2. Le procédé est justifié au nom de la valorisation préconisée par les PDEDMA concernés (Résumé non technique de l’étude d’impact, p. 17).

En réalité, le PDEDMA révisé d’Ille et Vilaine, adopté en mars 2003, est très critique sur le procédé.

Concernant le diagnostic relatif aux unités de compostage du département, le dossier soumis à enquête publique fin 2002, précisait :

«L’unité de GAËL datant de plus de 20 ans mériterait un sérieux réexamen de la filière de traitement… Il est à noter qu’un débouché pérenne du compost ne peut s’envisager que pour un produit de qualité, ce qui laisserait supposer notamment des collectes spécifiques en amont de la fraction fermentescibles des ordures ménagères.» p. 31

«Le compostage d’ordures ménagères brutes ne permettra pas de répondre à terme aux exigences de la réglementation et à la qualité exigée pour un certain nombre d’usages. Les seuls débouchés qui resteront ouverts à ces « composts » seront les réhabilitations des sites dégradés ou des usages dans des zones non destinées à l’agriculture.» p. 48.

«Le développement de la valorisation biologique de la fraction fermentescibles ne peut donc s’envisager qu’à partir de d’un tri sélectif à la source des déchets organiques.» p. 48.

3. Les analyses du PDEDMA d’Ille et Vilaine sont de bon sens. Des déchets collectés en mélange ne peuvent que se contaminer mutuellement.

Dans le cadre des 9ème Assises des déchets ménagers d’AGEN, les 27,28 et 29 juin prochain, France Nature Environnement, par le biais de sa représentante, défendra le texte suivant, à la rédaction duquel Environnement 56 a participé. Nous le citons in extenso :

LE COMPOSTAGE D’OMR : QUELLES LIMITES, QUELS RISQUES ?
Penelope Vincent-Sweet, France Nature Environnement (Directoire déchets)

L’époque est révolue où les ordures ménagères brutes pouvaient alimenter cochons et basse cour et fumer les champs. La boîte de Pandore que la révolution industrielle a ouverte continue à épandre dans notre environnement proche des toxiques puisés dans la terre ou fabriqués par l’intelligence humaine.
Le compostage d’ordures ménagères brutes ou résiduelles était une réponse satisfaisante tant que la fraction de toxiques et de matières non-biodégradables dans les ordures restait négligeable. Depuis vingt ans des signaux d’alarme nous indiquent clairement que le système doit changer. Alors, on peut essayer d’améliorer ce qui existe pour que le concept ou paradigme reste viable, ou on peut choisir un nouveau paradigme, mieux adapté à la situation actuelle.

A ces moments clés de changement de paradigme, il y a toujours tension entre ceux qui veulent «raccommoder» et ceux qui veulent faire le saut. Cette tension est nécessaire afin que le saut se fasse dans de bonnes conditions et au bon moment. A mon sens, si le raccommodage peut être bien fait (cas de Launay-Lantic semble-t-il), il reste du raccommodage et implique une série d’incertitudes que seul un véritable saut permet de lever.

Normes et qualité

La norme NF U 44-051 est enfin sortie… mais est-ce la garantie d’un environnement et d’une santé protégés ? On n’en a aucune certitude. Les normes sont élaborées par compromis entre le possible et le souhaitable, et les bonnes normes tirent la qualité vers le haut. La nouvelle norme française est un progrès par rapport à la précédente, qui exigeait très peu et ne protégeait rien, mais elle est tout de même élaborée dans le contexte d’un parc existant de compostage sur OMR, avec le souci de la rendre accessible à la plupart des composts fabriqués.

Eléments traces métalliques

L’écart entre la norme française et celles de la plupart des autres pays européens est flagrant. Prenons l’exemple du cadmium. La proposition de directive européenne fixe le niveau maximum du cadmium à 0,7 mg/kg (classe 1) et 1,5 mg/kg (classe 2). La NF U 44-051 le fixe à 3 mg/kg[1]. Il fallait éviter d’interdire (norme obligatoire) l’utilisation du compost sur OMR actuellement produit.

Un rapport récent[2] propose une méthode pour calculer l’accumulation de métaux lourds dans la terre avec une utilisation régulière du compost. Avec les niveaux du NF U 44-051 le «seuil de précaution» serait atteint avant 50 ans pour le cadmium, et bien avant 25 ans pour le cuivre et le mercure.

Autres indésirables

La norme française permet jusqu’à 2% de verre et métaux (>2mm) et 1,1% plastiques (>5mm). Cela fait, dans 1 m3 de compost, jusqu’à 5 kg de verre/métaux et 2,7 kg plastiques.

En plus, tout n’est pas mesuré. Les composés organiques persistants sont trop nombreux pour être analysés – la nouvelle norme en prend trois sur les centaines potentiellement dangereux.

Nous ne connaissons pas tous les effets des plastiques dans le sol. Des recherches en cours suggèrent que des microparticules de plastiques peuvent altérer la microporosité du sol ; d’autres signalent les pthalates (ajouts plastifiant) libérés dans le sol[3].

Les limites du compostage sur OMR

Le compostage d’OMR peut peut-être parfois donner un compost acceptable, mais ce ne sera jamais un très bon compost.

Cette technologie ne valorise pas toute la FFOM : traditionnellement autour de 50% était perdue (mis en décharge), mais ce taux de perte baisse à 30% de la FFOM à Launay Lantic ;

Le dispositif peut fonctionner en zone rurale, sur un petit territoire, avec une bonne séparation à la source des déchets spéciaux des ménages et une bonne implication des habitants et des agriculteurs (maraîchers). Dans d’autres conditions, en particulier quand une agglomération importante est concernée, les risques et inconvénients sont importants.

Des déchets collectés en mélange ne peuvent bien sûr que se contaminer mutuellement. Si le citoyen est invité à tout mettre dans la même poubelle, les déchets fermentescibles auront de grandes chances de se trouver en contact avec des restes de peinture, des solvants ou autres produits toxiques. Comment garantir un compost de qualité dans ces conditions ? Vaut-il mieux séparer après avoir mélangé en priant que le mélange n’ait pas fait trop de dégâts ou commencer par séparer et minimiser ainsi les risques de contamination?

De plus, le choix de gestion unitaire n’encouragera ni la réduction à la source des quantités de déchets, ni le compostage domestique ou de proximité. Plus le tri est différencié, plus il est performant et plus la quantité de déchets a des chances de diminuer. Un cercle vertueux du tri. L’habitant devenu écocitoyen adopte même des gestes écologiques dans d’autres domaines (eau, énergie...).

Les risques

Risques pour la collectivité
En choisissant ce mode de gestion, la collectivité prend plusieurs risques :
- Le compost, occasionnellement ou chroniquement, peut ne pas répondre aux normes, donc doit aller en décharge (coût supplémentaire) ;
- Même un compost aux normes peut peiner à trouver des débouchés – et ceci est étroitement lié à la confiance de l’utilisateur et du consommateur des produits agricoles ;
- Scénario catastrophe : pollution ponctuelle non détectée, procès, perte de confiance dans le compost ;
- L’intérêt pour le compostage domestique peut baisser, et la quantité totale de déchets augmenter à coût supplémentaire ;
- Déresponsabilisation des habitants par rapport aux déchets à augmentation des quantités totales et baisse de la qualité du tri des recyclables et des toxiques ;
- Une hausse du compostage domestique pourrait entraîner une baisse de qualité du compost industriel, à cause d’un changement de la nature des ordures ;
- La redevance incitative, un levier très fort pour la réduction des déchets, serait délicate à mettre en œuvre à cause de sa tendance à augmenter le compostage domestique ;
- De nouvelles normes européennes, prévues en l’absence d’une Directive biodéchets, pourraient être impossibles à atteindre avec un compost sur OMR
Risques pour l’environnement
- Accumulation de certains éléments traces métalliques dans le sol jusqu’à un niveau inquiétant en moins de 25 ans ;
- Accumulation des composés organiques persistants et leur apparition dans l’eau potable à effets possibles de dérèglement hormonal, cancers et autres ;
- Altération du sol par les plastiques (microparticules)

Une démarche qualité agit sur toute la chaîne afin d’avoir un produit final irréprochable. Des ingrédients de bonne qualité (biodéchets triés à la source) donnent plus facilement un bon produit, sans la nécessité de le contrôler constamment à la sortie.

Si on prend une vision globale de la gestion des déchets, les solutions de proximité, impliquant le citoyen, augurent mieux pour l’avenir : un avenir où les citoyens produisent moins de déchets, le tri est devenu la norme, les solutions domestiques et de proximité fleurissent. Après le compostage domestique et de proximité, la collecte séparée des biodéchets de cuisine s’inscrit comme bonne pratique. Même aujourd’hui cette collecte ne coûte pas nécessairement plus cher, et peut engendrer des économies sur la chaîne totale[4].

Il est temps pour les collectivités françaises de renoncer aux solutions de raccommodage et de faire le saut vers un nouveau paradigme privilégiant la collecte des biodéchets. Nos terres ont besoin de compost, mais d’un compost de qualité.


Ces analyses sont en plein accord avec le PDEDMA de l’Ille et Vilaine.

On se reportera par ailleurs à notre article de la Lettre Déchets, mi-juin 2005 (DJ 1)

4.3. Le mode de collecte et la provenance des déchets augurent de la mauvaise qualité du compost à venir.

1. Les performances acceptables de l’usine de LAUNAY-LANTIC, relativement aux valeurs-limites définies par les normes (en l’occurrence CERAFEL), ne doivent pas faire illusion.

Launay-Lantic n’a pas fait la preuve que le compostage sur OM, «ça marchait», mais la preuve de ce qu’on peut faire de mieux ou de moins mauvais avec ce procédé.

Ce qui suppose de réunir les conditions requises, à savoir : un petit territoire rural (45 000 hab, 34 communes), une collecte sélective du verre performante depuis des années (les poubelles grises contenant du verre ne sont pas ramassées), un effort important pour la collecte des DMS (multiplication des points de collecte, village par village), un gros travail de communication, en continu, avec implication soutenue des associations locales, un partenariat privilégié avec un groupement agricole…

2. Or, le dossier présenté par le SMICTOM présente un projet aux antipodes de ces conditions :
- Territoire plus étendu
- Aucun élément concernant de bonnes performances ou des ambitions sur la collecte sélective du verre (qui, dans ce procédé, déchire les plastiques en petites particules). Il n’est pas question, par exemple, de demander aux ripeurs de ne pas ramasser les poubelles grises contenant du verre.
- Aucun dispositif ou effort décrit pour capter les déchets dangereux, ceux des ménages ou ceux des industriels.
- Absence de travail avec les associations locales
- Absence de partenariat avec un groupement agricole.

3. Mais surtout, le procédé est nécessairement voué à l’échec si la collectivité n’a pas la maîtrise de la collecte. Puisque les déchets sont collectés en mélange, tout se joue en amont. En particulier pour les ETM (éléments traces métalliques), le process n’a aucune influence sur le produit final.

Or, outre l’absence de politique exigeante du SMICTOM sur la collecte des DMA de son territoire (aucun élément en ce sens dans le dossier), le projet d’accueillir des déchets industriels (DIB), des déchets de l’agro-alimentaire (DAA) et des DMA d’autres collectivités rend tout simplement impossible la maîtrise des déchets entrant dans le process.

Le SMICTOM ne peut imposer aux industriels et aux collectivités voisines un mode de collecte adapté.

Il y a INCOMPATIBILITE fondamentale entre le procédé retenu et le surdimensionnement choisi en vue d’accueillir des déchets ne relevant pas de la compétence du SMICTOM.


L’extrait du rapport GIRUS (DJ 2, p. 47) précise bien que pour « assurer la qualité du compost », il est indispensable :
- d’avoir une collecte sélective du verre très efficace
- de développer des actions en amont, au niveau des collectes, pour avoir les déchets les plus propres possibles en termes d’ETM.
- de mettre en place une collecte ambitieuse et spécifique des déchets ménagers spéciaux (piles, ampoules, thermomètres, cartouches d’encre, …), c'est-à-dire : optimisation de l’accueil de ces déchets en déchetteries, mais aussi collecte en porte-à-porte de ces déchets au moyen de petits sacs distribués à chaque ménage, sacs à accrocher au bac de collecte usuel (objectif : 1kg/hab/an).
- de limiter le risque de contamination des déchets ménagers par des déchets toxiques en quantité dispersées (DTQD) issus de professions à risques (garagistes, pressing, photographes, dentistes..), ce qui suppose :

- de ne pas collecter de déchets dans les zones industrielles,
- de soutenir la CCI dans la mise en place de filières de tri/ récupération spécifiques,
- de refuser de collecter les entreprises qui ne s’impliquent pas dans la démarche de solutions de remplacement.

Bref, le procédé de compostage sur OM est particulièrement vulnérable et s’il ne participe d’une démarche d’ensemble, mise en place par une collectivité volontariste, soucieuse de respecter des exigences fortes, il est nécessairement voué à l’échec.

Il est d’ores et déjà acquis que le SMICTOM ne peut absolument pas garantir un compost de qualité et que l’alternative sera :

- poursuite des mauvaise pratiques antérieures, à savoir livraison de compost non conforme à des agriculteurs peu regardants, aux dépens de l’environnement et la santé publique ;

ou

- compost qui, faute de pouvoir être considéré comme un «produit» (Code rural, articles L.255-1 à L 255-11 ; homologation ou normes AFNOR) sera tenu pour un «déchets» relevant pour son élimination de la réglementation sur l’eau, du règlement sanitaire départemental et/ou de la réglementation sur les installations classées soumises à autorisation).

Du reste, que le futur compost relève de la logique «Produit» (ce qui ne sera pas le cas) ou de la logique «Déchets», le dossier soumis à enquête publique ne fournit aucun élément sur les filières d’évacuation.

Parce que le compost produit sera un nouveau déchet, le projet est incompatible avec les exigences de valorisation définies notamment par le PDEDMA du 35.

5. Absence d’indicateurs financiers.

1. L’information due au public, en vue d’évaluer l’acceptabilité d’un projet, suppose des précisions sur les coûts impliqués.

Le dossier ne répond pas à cette exigence. Seules les capacités financières du syndicat et le coût global du projet (9,7 millions d’euros) sont mentionnés.

Le coût de scénarios alternatifs n’est pas présenté.

Aucun élément non plus sur :
- les coûts de fonctionnement
- les coûts de la gestion à venir des déchets (par habitant, à la tonne)
- aucun élément comparatif en l’absence de ratios nationaux ou locaux
- le coût de la presse pour la mise en balles
- le coût de la plate-forme pour le verre
- le mode de gestion envisagé (régie, DSP, marché public)
- le coût de facturation du compost aux agriculteurs
- le coût éventuel d’une valorisation non agricole du compost
- le coût d’une évacuation en CET ou en incinération
- les recettes d’exploitation envisagées grâce à la réception de DIB, DAA et déchets de collectivités extérieures
- la durée d’amortissement des investissements et équipements
- le coût de l’évacuation en centre d’enfouissement des déchets non compostables (vers quel CSDU ?) dans l’attente de l’ouverture du CET du Point Clos ou en cas de refus d’autorisation.
- Etc

6. Une contre-proposition

1. Le SMICTOM doit d’abord ambitionner une réduction maximale des tonnages à traiter.

Le Plan départemental d’Ille et Vilaine révisé (2003) a fait de cet objectif sa priorité et fournit une série de pistes intéressantes.

«Pour le département, il est fixé un objectif de stabilisation des flux quantitatifs actuels de déchets ménagers et de déchets industriels banals sous l’effet de la politique de prévention…» Notice explicative du Plan révisé soumis à enquête publique, p. 2

Au premier chef, le Plan retient la facturation incitative, c'est-à-dire le paiement au service rendu. Ce levier est considéré au niveau national comme de plus en plus pertinent. Un important colloque organisé par l’ ADEME sur ce sujet le 14 juin dernier en a fait la démonstration.

Voir sur ce point, le dossier du Plan révisé soumis à enquête publique en 2002, p. 39-40. (DJ 3)

Corrélativement, les autres leviers sont à promouvoir ou optimiser : collecte sélective, éco-compostage, verdissement des administrations, redevance spéciale appliquée rigoureusement…

2. Le SMICTOM n’a pas vocation à traiter les déchets des industriels et des autres collectivités. Pourquoi surdimensionner son projet et en compromettre les résultats alors qu’il n’a pas les outils de ses compétences ?

3. C’est donc sur un tonnage de 10 000 à 15 000 t/an à l’horizon 2015-2020 que le SMICTOM doit asseoir pour son projet.

Deux scénarios sont alors possibles, si la voie du compostage est retenue. Cette voie est pertinente étant donné le besoin de nos sols en humus (élément restructurant).

1/ Collecte séparative des biodéchets + stabilisation et enfouissement des déchets de la poubelle grise : c’est l’option préconisée par le Plan, par France Nature Environnement et Environnement 56.

La référence nationale est la récente réalisation de la CA du Pays de LORIENT.

Les avantages de cette option sont les suivants :

- Bien meilleures garanties pour la qualité du compost : FFOM + Déchets verts des déchetteries + le cas échéant, acceptation, sous conditions, de DAA pour atteindre la masse critique.

- Réduction des tonnages à enfouir et abattement de l’ordre de 80 à 90 % des gaz et lixiviats par stabilisation, ce qui permet d’obtenir un « stabilat » dont l’enfouissement (avec ou sans mise en balles) ne génère pas de nuisances (ni jus, ni odeurs) et est réversible (perspective d’un recyclage des plastiques en pétrole, selon la filière prometteuse qui se développe actuellement – alors que l’incinération gaspille des matières premières en brûlant du plastique).

- Optimisation de l’ensemble des collectes sélectives grâce au cercle vertueux du tri. Les enquêtes montrent de façon convergente que la diversification du tri (emballages, JMR, verres, FFOM) influe sensiblement sur les performances (moins de refus, plus de tonnages).

- La collecte sélective des déchets dangereux sera également développée


2/ A titre de pis-aller, si le SMICTOM s’obstine à vouloir faire du compostage sur OM brutes, il lui faudra a minima :

- Limiter la collecte à son territoire et aux seuls DMA (éventuellement DAA sous conditions), avec en particulier un contrôle strict sur les assimilés
- Organiser la collecte de façon très contraignante de façon à satisfaire l’ensemble des conditions référencées ci-dessus,
- Tout particulièrement mettre en place un dispositif très rigoureux pour la collecte des DMS et DTQD,
- Définir précisément des filières de valorisation non agricoles du compost

Mais répétons-le, notre scepticisme est grand quant à la possibilité de réussite et à la fiabilité d’un tel procédé.

En tout état de cause, le dimensionnement du projet devra se limiter à 15 000 t/an pour l’UPMB.

6. Divers

1. Le décret n°77-1133 du 21 septembre 1977 relatif aux installations classées au titre de l’environnement impose (art. 2, 6°) de montrer en vue d’obtenir une autorisation d’exploiter la manière dont le projet est compatible avec le ou les PDEDMA. En l’occurrence, 3 PDEDMA sont concernés. Le dossier se contente d’affirmer qu’il y a compatibilité. Il faut là encore croire le pétitionnaire sur parole. Aucun extrait des Plans concernés n’est fourni. Nous avons au contraire montré que tant par son dimensionnement, que par l’absence d’effort pour réduire les tonnages à traiter et par la forte probabilité de produire un mauvais compost, le projet entrait en contradiction avec les objectifs du PDEDMA de l’Ille et Vilaine de 2003.

2. Le même décret impose (article 3, 4°, c-) de présenter dans le cadre de l’étude d’impact «les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d’environnement, parmi les solutions envisagées le projet a été retenu.»

L’étude d’impact ne satisfait pas non plus à cette obligation. La Lettre de demande (p. 4) mentionne l’existence de «plusieurs scénarios» proposés par le « bureau d’études GIRUS pour la reconversion de l’unité de broyage-compostage », mais ces scénarios ne figurent pas dans le dossier.

De même, la délibération du comité syndical en date du 1er mars 2004, justifiant le choix de la collectivité est absente.

Le résumé de l’Etude d’impact (p. 17) justifie le «choix du procédé» par trois arguments dont nous avons montré l’irrecevabilité.

On ne voit pas dans ces conditions comment le public pourrait se faire une idée du bien-fondé du scénario retenu.

3. La jurisprudence a clairement établi qu’en cas de voisinage de plusieurs installations classées l’étude d’impact devait étudier l’impact cumulé des différentes installations. Ce que ne fait pas le présent dossier.

4. Le manque de rigueur du dossier apparaît en de nombreux endroits. Cela est visible aussi sur des passages de détail : il est curieux de parler de «reconversion» d’une usine dont la destruction est en fait programmée ; il est curieux dans un dossier datant de 2005-2006 d’affirmer que les CET utilisé par le SMICTOM est celui du VERGER (Etude d’impact, p. 4), lequel est fermé depuis 2004. Confusion (entretenue ?) entre «prétraitement» et «traitement», entre «valorisation» et «recyclage»...

5. Tout le dossier repose sur l’hypothèse d’une autorisation accordée pour l’exploitation d’un Centre d’enfouissement au Point Clos. Or, cette autorisation est loin d’être acquise.
Le dossier devait aussi envisager l’hypothèse d’un refus d’autorisation pour le centre d’enfouissement. Il ne suffit pas de dire (Note complémentaire, p. 7) que les déchets seront évacués ailleurs, par exemple à Changé (à quel coût ? quel projet alternatif pour les refus de tri ? …)

6. Concernant le choix du site, l’argumentation est discutable. Dire que le site est «dédié au traitement des déchets» n’est pas un argument. Est-il géographiquement pertinent (barycentre du territoire du SMICTOM ?) ? Est-il géologiquement pertinent ? Pourquoi l’étude synthétique prévue par le Plan départemental concernant la recherche des sites géologiques les plus pertinents en Ille et Vilaine pour l’enfouissement n’est-elle pas mentionnée et prise en compte (même si elle reste un projet) ?

D’un point de vue de citoyenneté, il est légitime de considérer que les riverains du secteur ont déjà beaucoup donné depuis 30 ans et que l’effort de solidarité pour recevoir les équipements publics doit valoir pour tous et non s’abattre toujours sur les mêmes.

Les mauvaises pratiques du passé (et du présent) rendent légitimes les craintes des riverains. Le SMICTOM et les exploitants des installations sont jugés sur ce qu’ils ont fait et sur ce qu’ils font et non sur leurs bonnes paroles.


6. Pour le traitement des eaux de l’usine et des eaux pluviales souillées, le recours à la station d'épuration du CET II voisin est envisagé. Aucune information n’est donnée sur cette STEP, sa capacité, ses performances, la nécessité d’une convention de rejet… Parle-t-on d’une station d'épuration future associée au futur CET (ce qui serait éminemment problématique étant donné l’absence actuelle d’autorisation pour ce CET et, en tout état de cause, les délais de réalisation de ce CET) ou d’une station d'épuration déjà opérationnelle ? Voir le courrier de la préfète de Région (19 janvier 2006).

Conclusion

Pour toutes ces raisons, Environnement 56 ne peut que vous demander d’émettre un AVIS DEFAVORABLE sur ce projet tout en invitant le pétitionnaire à prendre acte de nos observations afin d’infléchir son projet et de mettre en place, en concertation avec les associations de protection de l’environnement, de consommateurs et les riverains, un projet consensuel, démocratiquement défini et soucieux d’une gestion durable des déchets ménagers.

Fait à THEIX, le 23 juin 2006,


Franck NOULIN

Secrétaire général d’Environnement 56
Directoire Déchets de France Nature Environnement.


Documents joints :

1/ Lettre Déchets de France Nature Environnement, mai-juin 2005

2/ Rapport GIRUS, « UPMB et centre de tri » pour le SYSEM, Janvier 2006 (Extraits)

3/ Extrait du dossier de révision du PDEDMA révision d’Ille et Vilaine soumis à enquête publique (18 nov-20 décembre 2002)

[1] A titre de comparaison, la médiane des composts européens de biodéchets se trouve à 0,5 mg/kg, le 90ème percentile à 0,87 et Launay Lantic entre 1,1 et 1,9 mg/kg sur compost mûr.
[2] Amlinger et al : ‘Heavy metals and organic compounds from wastes used as fertilisers’, Commission européenne juillet 2004
[3] Brinton W.F. : ‘Characterisation of man-made foreign matter and its presence in multiple size fractions from mixed waste composting’ in Compost Science & Utilization, Autumn 2005.
[4] Contacter l’auteur sur penelopevs@numericable.fr pour des articles sur la collecte des biodéchets